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Époque de vulnérabilité accrue

Les décès liés à l’alcool ont augmenté de 18 % pendant la pandémie

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4 février 2025
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Par La Presse Canadienne

Les décès liés à l’alcool ont augmenté d’environ 18 % pendant la pandémie, selon une étude qui souligne les effets néfastes de rendre l’alcool plus accessible à une époque de vulnérabilité accrue.

Les chercheurs de l’Agence de la santé publique du Canada ont comparé les décès et les hospitalisations liés à l’alcool avant et après la pandémie, constatant 1600 décès de plus que prévu. Ils ont également remarqué que les hospitalisations ont bondi de 8 %, avec une augmentation encore plus élevée d’environ 14 % en 2020 et 2021.

Cela s’est produit alors que les ventes au détail d’alcool ont connu la plus forte augmentation depuis une décennie, malgré l’absence de touristes au Canada. L’étude indique que les provinces qui désignent l’alcool comme «essentiel» et autorisent les magasins d’alcool à rester ouverts pendant les confinements, tout en facilitant l’accès à l’alcool grâce à la livraison à domicile, pourraient avoir affaibli les messages de santé publique sur ses effets néfastes.

Selon le Dr Yipu Shi, auteur principal de l’étude, ces résultats confirment les effets néfastes de la consommation excessive d’alcool, qui peuvent être attribués à l’augmentation du stress, à l’ennui et à la détérioration de la santé mentale pendant la pandémie.

Des groupes plus vulnérables

L’étude montre que certains groupes démographiques ont subi plus de dommages liés à l’alcool que d’autres, notamment les femmes, les jeunes adultes et les personnes à faible revenu, ce qui révèle des disparités préexistantes dans ces groupes.

Leurs conclusions, publiées lundi dans le Journal de l’Association médicale canadienne, ont examiné les données entre 2016 et 2022 et n’ont inclus que les décès qui pouvaient être entièrement attribués à l’alcool, comme les maladies hépatiques liées à l’alcool, qui ont représenté près de 10 800 décès au total.

Ils ont observé que les hospitalisations liées à la consommation d’alcool ont augmenté trois fois plus chez les femmes que chez les hommes — 15,6 % contre 5,7 % — ce qui pourrait être attribué à un stress plus élevé, à la solitude, à l’exposition à la violence conjugale et à la perte d’emploi par rapport aux hommes, selon le Dr Shi.

L’étude a également signalé une augmentation de 55 % de la mortalité chez les personnes âgées de 25 à 44 ans, une hausse «très inquiétante» qui suggère que les jeunes adultes avaient des problèmes d’alcool avant la pandémie, et que la situation n’a fait qu’empirer.

Une consommation d’alcool plus élevée a été enregistrée dans le groupe aux revenus les plus élevés, mais les taux de mortalité pour ce groupe étaient les plus bas. Le Dr Daniel Myran, titulaire de la chaire de recherche du Canada au département de médecine familiale de l’Université d’Ottawa, affirme que cela met en évidence le fait que les personnes à faible revenu ont tendance à subir plus de dommages et à courir plus de risques de maladies chroniques.

«Il est intéressant de constater que les 20 % des quartiers les plus riches connaissent près de la moitié de l’augmentation de la mortalité que connaissent les groupes à plus faible revenu et les quartiers à plus faible revenu. Je pense que les expériences de la pandémie ont été très différentes pour les personnes en fonction de leur statut socioéconomique», a-t-il déclaré.

Des différences selon les provinces

Le Dr Shi avance que la prévalence plus faible de maladies préexistantes liées à l’alcool chez les personnes à revenu élevé aurait pu atténuer les effets néfastes de la consommation accrue d’alcool. Le rapport montre également des différences régionales: les Prairies et la Colombie-Britannique enregistrent trois fois plus de décès liés à l’alcool qu’en Ontario et dans les provinces de l’Atlantique, et six à sept fois plus de décès qu’au Québec.

Les chercheurs estiment que ces différences pourraient être liées aux restrictions de santé publique, aux répercussions économiques et à la capacité des soins de santé pendant la pandémie. Par exemple, ils affirment que les vagues majeures de COVID-19 en Alberta, au Manitoba et en Saskatchewan ont probablement retardé les soins pour les maladies liées à l’alcool. En revanche, le faible taux d’infection dans la «bulle atlantique» pourrait s’être traduit par une plus grande capacité des soins de santé et une réduction des dommages.

Une augmentation des décès liés à l’alcool a également été constatée aux États-Unis, où elle a bondi de 29 %, et dans 19 pays européens, où elle a augmenté de 18 %.

L’étude souligne que la hausse des décès dus à l’alcool a diminué après 2022, à mesure que les vaccins et les traitements contre la COVID-19 sont devenus disponibles. Mais le Dr Myran affirme que la situation de base prépandémique est toujours mauvaise. Avant la pandémie, la consommation d’alcool était déjà l’une des principales causes de mortalité au Canada.

Le problème est que les politiques de contrôle de l’alcool ne sont pas considérées comme une «victoire politique», explique le Dr Myran, mais l’expansion des ventes d’alcool dans les dépanneurs, la baisse du prix de l’alcool et l’octroi d’allégements fiscaux sont des points de popularité faciles pour les politiciens. De nombreuses provinces ont permis aux magasins d’alcool de commencer à faire des livraisons d’alcool à domicile pendant la pandémie, et le font toujours.

«Il existe vraiment un lobby de l’alcool très influent et puissant qui rencontre régulièrement les décideurs et les politiciens qui ne sont pas intéressés par des politiques qui réduiront la vente d’alcool parce que c’est ainsi que leurs entreprises gagnent de l’argent», explique-t-il.

Le Dr Tim Naimi, directeur de l’Institut canadien de recherche sur la toxicomanie à l’Université de Victoria, affirme que le recul des politiques sur l’alcool qui a eu lieu pendant cette période et qui a persisté, comme la mise à disposition de l’alcool sur les applications de livraison, fera partie des impacts négatifs durables de la pandémie.

«Plutôt que d’entraîner un renforcement des politiques sur l’alcool pendant une période où les gens étaient encore plus vulnérables que d’habitude, cela a conduit à une érosion de ces politiques, et cela s’est poursuivi», a-t-il précisé.

Le Dr Naimi espère que cette étude suscitera une réflexion chez les décideurs politiques.

Le contenu en santé de La Presse Canadienne obtient du financement grâce à un partenariat avec l’Association médicale canadienne. La Presse Canadienne est l’unique responsable des choix éditoriaux.

Hannah Alberga, La Presse Canadienne

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