Environnement
L'impact des changements climatiques sur la santé reste encore mal compris
Par La Presse Canadienne
Il est urgent de mieux calculer l'impact sanitaire actuel et futur des changements climatiques, puisque «les estimations actuelles sont largement dépassées et probablement inexactes dans une large mesure», prévient une étude publiée récemment par le journal médical The Lancet Planetary Health.
«Nous devons commencer à converger vers des chiffres plus précis et justifiables, en utilisant tous les outils dont nous disposons», ajoutent les auteurs britanniques.
La mortalité actuelle liée aux conditions météorologiques est dominée par l'exposition à court terme à des températures chaudes et froides entraînant des défaillances cardiovasculaires et respiratoires, rappelle l'étude réalisée à l'Université de Bristol.
«Ça a été publié dans plusieurs endroits du monde que quand la température augmente au-delà de 95 à 99 % du percentile de la température moyenne, il y a une association très claire avec une augmentation du risque cardiovasculaire», a commenté le docteur Josep Iglesies-Grau, de l'Institut de cardiologie de Montréal.
Des conditions météorologiques et de longue durée, comme les vagues de chaleur et les inondations, peuvent exacerber les problèmes de santé mentale et faciliter la propagation des maladies infectieuses, estiment les auteurs.
L'étude prévient aussi qu'une exposition à long terme à une chaleur extrême peut perturber le sommeil, et rappelle qu'un sommeil de mauvaise qualité a été associé à des problèmes de santé comme le déclin cognitif, la démence et la maladie d'Alzheimer.
Un stress thermique pluriannuel pourrait exacerber les problèmes de santé sous-jacents, tels que les maladies rénales, ajoute-t-on.
Le temps très froid, en revanche, pourrait augmenter le risque de blessures causées par des chutes; contribuer à une détérioration de la santé mentale en accroissant l'isolement; et mener à davantage de comportements sédentaires, disent les chercheurs.
«Nous constatons d'autres effets sous-estimés sur la santé, en particulier ceux liés aux risques d'exposition prolongée, notamment les maladies rénales liées à la chaleur, la santé musculo-squelettique liée au froid et les maladies infectieuses dues à des risques combinés», disent les auteurs, qui ont sondé une trentaine d'experts britanniques pour en arriver à leurs conclusions.
Plus on étudie les changements climatiques, plus on découvre à quel point ils ont un impact sur la santé, et pas de manière positive, a commenté la présidente de l'Association québécoise des médecins pour l'environnement, la docteure Claudel Pétrin-Desrosiers.
«Pour moi, (cette étude) est une grosse mise en garde qui nous dit qu'on doit accorder plus d'attention à cet enjeu-là. On ne pourra pas dire dans 15 ans qu'on ne le savait pas, donc on a intérêt à faire nos devoirs aujourd'hui», a-t-elle dit.
Les derniers chiffres comparables dont on dispose pour le Québec, a-t-elle ajouté, ont été compilés il y a une dizaine d'années, à un moment où on ne parlait même pas de l'impact d'événements qui défraient la manchette aujourd'hui, comme les feux de forêt ou encore les inondations.
Le financement des soins de santé est une question récurrente, a poursuivi la docteure Pétrin-Desrosiers, «mais si on veut être cohérents, il va falloir considérer que les changements climatiques vont influencer la demande et l'offre nécessaire en santé».
«Il faut absolument réduire nos émissions de gaz à effet de serre, c'est non négociable, mais ça ne devrait pas être la seule mesure, a-t-elle indiqué. Même si on arrête complètement les gaz à effet de serre demain matin, le réchauffement moyen va quand même continuer. Il va falloir trouver un moyen de faire co-exister ces questions-là, puis surtout de trouver un financement adéquat.»
L'impact à long terme des changements climatiques sur notre santé est moins bien connu, a expliqué le docteur Iglesies-Grau, parce que cela exigerait une quantité colossale de données qu'il n'a pas encore été possible de rassembler.
«Et ça prendrait aussi une quantité de modèles climatiques différents dans différents endroits du monde, a-t-il ajouté. Et tout ça, ça n'existe pas.»
Les experts britanniques qui ont contribué à cette étude ont toutefois estimé qu'un des effets potentiels à long terme des changements climatiques serait une détérioration de ce que le docteur Iglesies-Grau a qualifié «d'épidémie de solitude et d'isolement», surtout chez les personnes âgées.
Différentes études, poursuit-il, ont associé la solitude à un déclin cognitif et à une augmentation de la sédentarité, comme cela a d'ailleurs été constaté lors du confinement imposé par la pandémie de COVID-19.
On doit maintenant identifier la meilleure stratégie pour affronter la situation, a dit le docteur Iglesies-Grau. Face à un patient qui les questionne à ce sujet, a déploré le spécialiste, «les médecins ne peuvent donner que des conseils très généraux».
«Il serait intéressant d'étudier à long terme si le fait d'avoir une bonne condition physique permet d'éviter certains problèmes (de santé) face à une exposition à long terme aux changements climatiques», a-t-il dit.
«Quelles sont les bonnes recommandations à faire? Est-ce que les recommandations changent par rapport à l'âge, par rapport à l'activité physique, autant pendant un épisode de chaleur que de froid qu'un épisode de pollution, comme on risque d'en voir de plus en plus au Canada avec les feux de forêt? On manque vraiment d'informations.»
Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne
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