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Chronique d'opinion

Y a-t-il un médecin dans la salle?

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17 juin 2015
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Frédéric Savard
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Par Frédéric Savard, Rédacteur en chef

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Il y a deux mois je prenais rendez-vous avec mon médecin de famille. Sa secrétaire me planifie une rencontre avec lui un mois plus tard, parce qu’il n’y a pas de place avant. Mon rendez-vous est à 10:20. J’arrive à 10:10 et m’installe sur une chaise simili confortable avec un bon vieux Reader’s Digest que je serre déjà dans mes mains avec une certaine fermeté, exaspéré en moins de deux de la musique de dépression nerveuse qui joue en boucle depuis mon arrivée.

Si j’étais chez mon physio ou mon psy, je pourrais m’attendre à passer à 10:20, sortir de là vers 11:15, avoir le temps d’aller faire quelques emplettes et revenir à la maison pour dîner vers midi. Mais là je suis chez mon médecin. 10:30…10:45…11:00…11:15…11:30. À 11:44, j’entends enfin un nom qui semble être le mien par le biais de l’intercom grinçant de la clinique. 1h24 de retard sur mon rendez-vous initial que j’avais pourtant pris un mois à l’avance. Je ne suis pas arrivé à l’improviste. Je n’étais pas dans une clinique sans rendez-vous. Je n’étais pas dans la salle d’urgence d’un hôpital. Qu’est-ce qui explique ce retard monstrueux? Mon médecin est arrivé en retard? Il était chez son propre médecin de famille? Sa femme l’a envoyé chercher en urgence une pinte de lait et une boîte de whippets?

Lorsque je vais voir sa secrétaire, elle me dit qu’il prend simplement le temps pour évaluer le cas de chacun de ses patients. Du temps? C’est sûr. J’aurais dû penser à ça, c’est pourtant simple. Ce n’est pas dramatique de faire patienter tout le monde pendant 1h30-2h. Ça me tente d’essayer ça moi. Je dois faire une entrevue avec une chanteuse demain. J’ai rendez-vous avec elle à 11h. Notre rencontre est fixée depuis trois semaines. Je vais arriver vers 13h. Je ne m’excuserai pas, ferai semblant de rien et m’attendrai à ce qu’elle me fasse un grand sourire et ne parle aucunement de l’incident. Mais je suis journaliste, je ne pourrais pas faire ça. Pourquoi? Parce que la chanteuse en question ne serait plus là. Non seulement ne serait-elle plus là, mais son agent m’aurait téléphoné depuis longtemps pour me dire qu’il s’agit d’un manque de respect flagrant et qu’il va possiblement m’oublier la prochaine fois lui aussi. Et il aurait raison de le faire.

Alors pourquoi un médecin peut-il se permettre de traiter ses patients comme il le veut bien? Tout simplement parce que les médecins sont une denrée de plus en plus rare et qu’ils possèdent une expertise dont très peu de gens peuvent se passer. Cette rareté confère une liberté presque totale à mon médecin et à bien d’autres. La liberté de nous faire poireauter à leur gré parce qu’ils ont le luxe d’être indispensables.

Certes le métier de médecin en est un essentiel. La charge de travail que ces professionnels doivent abattre dans les hôpitaux et/ou avec plusieurs centaines, voire même des milliers de patients en clinique est substantielle, parfois presque inhumaine. Cependant, s'ils acceptaient de se faire aider, le patient serait bien mieux servi et leur qualité de vie serait améliorée de façon très appréciable.

Pourquoi ne pas permettre par exemple aux pharmaciens de faire des prescriptions? Généralement, ces derniers connaissent beaucoup mieux les médicaments que les médecins. C’est leur métier. Les cliniques et les hôpitaux ne s’en porteraient que nettement mieux. Adieu les cauchemardesques 8, 9, 10, 12 heures d’attente à l’urgence pour certaines prescriptions franchement anodines. La loi 41, qui entrera en vigueur le 20 juin, devrait techniquement donner plus de pouvoirs en ce sens aux pharmaciens, mais les coupures adoptées dans la loi 28 rendront cette évolution moins considérable.

Accepter de l’aide, c’est accepter de piler sur son égo au moins partiellement. C’est accepter de partager le prestige de la signature de la prescription avec quelqu’un d’autre, un pharmacien ou une pharmacienne. Cette fameuse signature qui vaut de l’or et qui donne tant de pouvoir.

Voici ce que permet aux pharmaciens l'entrée en vigueur de la loi 41:

  • Prolonger l’ordonnance d’un médecin
     
  • Ajuster l'ordonnance d’un médecin en modifiant la forme, la dose, la quantité ou la posologie d’un médicament prescrit 
     
  • Substituer au médicament prescrit, en cas de rupture d’approvisionnement complète au Québec, un autre médicament de même sous-classe thérapeutique
     
  • Administrer un médicament par voie orale, topique, sous-cutanée, intradermique ou intramusculaire, ou par inhalation afin d’en démontrer l’usage approprié 
     
  • Pour un pharmacien exerçant dans un établissement de santé, prescrire et interpréter des analyses de laboratoire aux fins du suivi de la thérapie médicamenteuse
     
  • Prescrire certaines analyses de laboratoire en pharmacie communautaire pour des fins de surveillance
     
  • Prescrire un médicament lorsqu’aucun diagnostic n’est requis, notamment à des fins préventives
     
  • Prescrire des médicaments pour certaines conditions mineures dont le diagnostic et le traitement sont déjà connus
     

Ne reste plus qu'à espérer que cette loi finisse par diluer l'égo de rockstar de plusieurs médecins et améliore vraiment l'efficacité de notre système de santé. D'ici là, mon rendez-vous de 10:20 continuera à être à 11:44.

 

Source: Ordre des Pharmaciens du Québec  

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