Chronique d'opinion
L'habit ne fait pas le journaliste
François Bugingo avouait il y a quelques jours avoir enjolivé certains de ses reportages en faisant passer pour des faits vécus, des histoires inventées de toutes pièces ou lues dans certains magazines pour rendre son information plus spectaculaire pour le public.
Cette réponse de sa part fait suite au dossier «Les mirages de François Bugingo» de la journaliste Isabelle Hachey publié dans La Presse le samedi 23 mai dernier. François Bugingo a bénéficié pendant plusieurs années d’un statut de prestige dans les médias québécois. Il était LA sommité en actualité internationale et en conflits internationaux. Il a animé des émissions de télé, est intervenu en tant que panéliste sur nombres d’autres, écrit dans les journaux, toujours sous le couvert du journalisme et non de l’écrivain ou du romancier.
L'actualité internationale a ça de particulier que peu, très peu de gens peuvent en parler à titre d’expert. Si vous prétextez être un journaliste qui a vécu les dix dernières conquêtes de la Coupe Stanley, ce sera facile de savoir si vous êtes un imposteur ou non. Même chose si vous vous présentez comme une personne qui a couvert les activités de l’Assemblée nationale ou du Parlement. Ce sera facile à vérifier, parce que c’est près de nous. Les conflits internationaux sont à des lunes des matchs du Canadien. Il faut donc faire des recherches, de bien plus exhaustives recherches pour savoir si vous étiez réellement sur place.
François Bugingo est un homme intelligent, cultivé, avec de la verve et beaucoup, que dis-je, une tonne d’imagination. Il a su se faire passer, à travers les années, pour un genre d’Indiana Jones qui parcourait la planète à la recherche d’information pertinente en bravant vents et marées et qui venait en rendre compte aux québécois et québécoises. Dans les faits, plus souvent qu’autrement, il lisait des magazines allongé au bord de sa piscine avec un petit verre d’eau Perrier et colligeait les informations pour nous les mettre en scène comme s’il avait vécu des événements que très peu de gens ont vécu.
En travestissant une information que le public croyait vraie, il a commis des gestes très graves, irréparables. Le citoyen de 2015 est généralement beaucoup renseigné qu'il y a 50 ans de cela. La technologie et le nombre croissant de médias de toutes sortes ont contribué à la chute de l’information biaisée qui ne provenait que des représentants de l’Église ou presque. En agissant comme un prédicateur qui détenait une information privilégiée que personne à part lui ne possédait, il a agi de manière impardonnable. Nul repentir ne pourrait l’excuser. Les faits constituent la base d’un journalisme de qualité. Spécialement lorsque les faits que vous prétendez exposer ne sont maîtrisés que par un très petit groupe. Votre rôle est encore plus important. Vous devenez une sorte d’enseignant auquel les étudiants font CONFIANCE pour améliorer leur niveau de connaissances et non alimenter leur ignorance.
Pour tous les emplois que j’ai occupés dans ma vie, on m’a demandé des références. Pour connaître mes qualités, mes défauts, mon comportement en général. Pour savoir si les compétences que j’avais inscrites dans mon CV étaient réelles ou inventées. Est-ce que ce travail de validation a été fait par les médias qui ont collaboré avec François Bugingo? Vraisemblablement si ça a été fait, ça a été mal fait. Si ça n’a pas été fait, ses employeurs doivent aussi endosser une partie du blâme alors qu’ils lui ont prêté une science quasi infuse. Mais la principale responsabilité de ce branle-bas de combat revient à Bugingo lui-même. Ça c’est un fait.
Dans les deux dernières semaines, tous les médias ont mis un terme à leur collaboration avec François Bugingo. Il a admis une partie de ses torts. Il a remis sa carte de presse à la Fédération Professionnelle des journalistes du Québec. Il est disparu de la carte médiatique au Québec. Il a perdu à jamais toute sa crédibilité.
En février 1990, le duo de «chanteurs» Milli Vanilli remportait un prestigieux trophée Grammy en tant que «meilleur nouvel artiste». Quelques mois plus tard, un journaliste dévoilait le terrible secret du groupe. Les deux chanteurs ne chantaient pas vraiment. Ils ne faisaient pas seulement du «lip sync», c’était d’autres chanteurs qui enregistraient leurs chansons. Pour l’argent et le prestige, un producteur avait pris un raccourci. Jumeler deux gars qui paraissaient bien, avec des voix de qualité qui ne leur appartenaient pas. Aussi rapidement la carrière des deux prétendus chanteurs avait-elle pris son envol, aussi rapidement avait-elle pris fin.
Pour le vedettariat et l’information spectacle, François Bugingo a décidé de tromper le public qui lui était pourtant très fidèle et lui avait accordé sa totale confiance. En s’adjugeant une voix qu’il ne possédait pas complètement, il a été démasqué par une journaliste, qui elle, avait son travail à cœur. En choisissant son ambition personnelle plutôt que de bien servir le public, François Bugingo a commis une fausse note que personne ne peut lui pardonner.
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