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Il y a 40 ans, le premier Canadien s'envolait dans l'espace

durée 10h00
5 octobre 2024
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

MONTRÉAL — Il y a 40 ans, le 5 octobre 1984, Marc Garneau s'envolait à bord de la célèbre navette spatiale Challenger pour une mission de huit jours, devenant ainsi le tout premier Canadien à se rendre dans l'espace.

Un soir de juin en 1983, Marc Garneau, qui était alors ingénieur pour la marine canadienne, lisait le journal Ottawa Citizen lorsqu’une petite annonce a attiré son attention.

«C’était après le travail, j’étais assis sur mon balcon et je suis quasiment tombé de ma chaise quand j’ai vu l’annonce», s’est remémoré M. Garneau en entrevue avec La Presse Canadienne.

La NASA recherchait deux Canadiens pour ses deux prochaines missions dans l’espace.

L’annonce placée dans le journal indiquait que «les candidats devaient avoir un diplôme en génie, en science ou alors en médecine et être en bonne santé», a résumé l’ancien ministre fédéral.

«Mon épouse m'a donné sa bénédiction pour soumettre ma candidature et c'est ce que j'ai fait», a expliqué Marc Garneau, qui était à l’époque âgé de 34 ans.

Plus de 4000 personnes, comme lui, avaient alors répondu à l'appel de l'exploration spatiale.

Puis, au cours d’un rigoureux processus qui a duré six mois, le soir du 3 décembre 1984, un représentant du Conseil national de recherches du Canada a téléphoné à Marc Garneau pour lui annoncer qu’il était l’un des six Canadiens choisis pour faire partie du premier corps d'astronautes du pays.

«Je pense que j'ai célébré avec un ou deux verres de vin et puis mon épouse et moi, on s'est rendu compte que notre vie allait changer de façon très, très importante.»

Premier vol

Sur les six Canadiens, Marc Garneau a été celui qui est entré dans l’histoire, en devenant le premier à aller dans l'espace, à bord de la navette spatiale, lors de la mission STS-41G, le 5 octobre 1984.

L’ancien astronaute a confié qu’on ne lui avait jamais expliqué pourquoi il avait été sélectionné.

«Je n’ai jamais eu d’explication officielle, mais j’étais en bonne santé, je pouvais communiquer dans les deux langues, j'avais une expérience dans la marine», a indiqué Marc Garneau avant d’ajouter qu’avoir traversé l’Atlantique en voilier, quelques années avant l’appel de candidatures, avait sans doute joué en sa faveur.

Lors de l’un de ces voyages, «qui a duré à peu près 20 jours, on a rencontré des situations difficiles, avec du vent, des vagues et tout ça et on a été obligé de travailler en équipe afin d’arriver à notre destination», alors «c’est peut-être cette expérience qu’il les a convaincus que j’étais capable de faire une mission dans l’espace».

Des astronautes américains jaloux

C’était la deuxième fois, en 1984, que la NASA intégrait un membre d'équipage non américain.

L’invitation au Canada était une façon de remercier le pays pour sa contribution au bras canadien, le bras manipulateur de la navette spatiale de la NASA.

Mais cette décision ne faisait pas l’unanimité, selon Marc Garneau, surtout auprès d’astronautes américains.

«J’ai ressenti une certaine froideur de la part d’astronautes américains, qui dans certains cas attendaient depuis plusieurs années de faire leur premier vol» et qui disaient: «mais qu'est-ce qu'il fait ce gars-là qui arrive d'un autre pays puis, il saute la queue et a la chance de voler après seulement quelques mois?».

Cette sélection était également accompagnée «de pression qui venait des citoyens» canadiens.

«J'étais le premier, alors naturellement les citoyens voulaient que tout se passe bien, que mon vol soit un succès. Alors je réalisais que si je manquais mon coup, ça laisserait une mauvaise impression à la NASA et ça affecterait l'avenir du programme spatial des astronautes ici au Canada», a résumé Marc Garneau.

La première mission d’un Canadien dans l’espace fut finalement couronnée de succès et Marc Garneau a pu réaliser certaines expériences à bord de la navette Challenger, notamment les premiers tests du système de vision spatiale conçu pour donner des yeux au bras spatial canadien.

«C’est sûr qu’on avait du travail à faire, mais lorsqu’on est en orbite, on a aussi l’occasion d’observer la Terre» et «lorsqu’on observe l’atmosphère, cette mince couche qui nous enveloppe», et «qu’on voit les océans qu'on partage et qu'on voit tout ça contre la noirceur de l'espace qui nous entoure, on se rend compte qu’il n’y a pas d’option B, que c’est le seul endroit où on peut vivre et qu’il faut en prendre soin».

La tragédie

La navette Challenger, le vaisseau spatial dans lequel Marc Garneau a effectué sa mission en 1984, est le même appareil qui a explosé deux ans plus tard, tuant les sept astronautes qui y prenaient place.

Lorsque l’accident s’est produit, il était à Houston, au Centre spatial Johnson, afin d’aider à la planification du vol du deuxième Canadien.

L'explosion de Challenger a eu lieu un peu plus d'une minute après son décollage, dans un gigantesque embrasement d'hydrogène et d'oxygène liquide.

Lors de cette journée fatidique, Marc Garneau était accompagné de plusieurs employés de la NASA et il regardait le décollage de la navette sur un écran géant.

«On a tous vu l'explosion. Il y a des gens qui pleuraient. Il y avait beaucoup d'émotion et plusieurs personnes étaient dans le déni. Il y avait ce désir de ne pas reconnaître que quelque chose de terrible s'était passé, c’est dans la nature humaine de penser que ça va se régler», mais «je connaissais le déroulement d'un décollage à la seconde près et je savais qu'il n'y avait aucun espoir pour que l'équipage s'en sorte vivant. C'était un moment affreux. Je connaissais un peu les différents membres de l'équipage.»

Après l’accident, Marc Garneau est retourné à deux reprises dans l’espace, les deux fois à bord de la navette Endeavour.

«Dans les misions auxquelles j’ai participé, en 1996 et en 2000, dans mon crâne, j’avais cette horrible vue du Challenger qui explosait, alors je savais concrètement que ça comportait des risques.»

Lorsqu’on voyage dans l’espace, «il n’y a pas vraiment de façons de contourner ces risques», c'est pourquoi il est «essentiel de toujours être absolument rigoureux dans tous les contrôles de vérifications et toutes les décisions avant de permettre un décollage».

Après sa carrière d’astronaute et un passage à la tête de l’Agence spatiale canadienne, Marc Garneau est devenu député en 2008 avant d’être nommé ministre des Transports et ensuite des Affaires étrangères.

Celui qui a pris sa retraite en 2023 ne s’ennuie pas de la vie politique.

Malgré «les moments difficiles» que passent ses anciens collègues libéraux, il croit que Justin Trudeau restera à la tête du Parti libéral et qu'il se présentera aux prochaines élections.

Questionné à savoir s’il croit que cette décision est la bonne, l’ancien ministre a répondu de cette façon: «C’est sa décision, je ne m’aventure pas sur ce terrain-là», mais «j’ai l’impression que le caucus l’appuie, alors on verra».

Marc Garneau fait actuellement une tournée de différentes villes du pays pour faire la promotion de la version anglaise de son autobiographie.

La version française du livre «Le plus extraordinaire des voyages» sortira en novembre 2024.

Stéphane Blais, La Presse Canadienne

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