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Alberta: l'aide juridique suspendue en raison d'un différend avec le gouvernement

durée 17h04
3 juillet 2024
The Canadian Press, 2024
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Temps de lecture   :  

3 minutes

Par The Canadian Press, 2024

EDMONTON — Legal Aid Alberta, le service d’aide juridique de la province, cessera de fournir des avocats à ceux qui n'en ont pas les moyens d'ici mardi prochain en raison d'un différend en matière de financement et de gouvernance avec la province.

L’organisme indique dans un communiqué que le gouvernement du Parti conservateur uni a mis fin à des mois de négociations contractuelles avec un ultimatum qui porterait atteinte à l'indépendance de l'organisation et la placerait financièrement sous la coupe du ministre de la Justice.

«L'indépendance de l'aide juridique doit être sacro-sainte, affirme le président du conseil d'administration, Ryan Callioux, dans un communiqué. Si ce n'est pas le cas, le système judiciaire en souffrira considérablement.»

La porte-parole du ministère de la Justice de l'Alberta, Chinenye Anokwuru a déclaré dans un communiqué que le gouvernement restait déterminé à financer l'aide juridique.

«Nous sommes convaincus que les fonds que nous avons déjà versés à Legal Aid Alberta sont suffisants pour maintenir une solide liste d'avocats ainsi que pour maintenir les opérations quotidiennes au cours des prochains mois, alors que nous finalisons un nouvel accord», indique le communiqué.

«Il est également impératif que nous gérions de manière responsable l'argent des contribuables et que les fonds soient dépensés dans le meilleur intérêt des Albertains », peut-on aussi y lire.

Mme Anokwuru a ajouté qu'une subvention de 27,5 millions de dollars était disponible.

«Contrôle absolu et total»

En Alberta, l'aide juridique est financée conjointement par le gouvernement fédéral, la province et l'argent recueilli grâce aux intérêts sur les fonds détenus en fiducie par les avocats. Cet accord de gouvernance, supervisé par la Law Society of Alberta, contrôlait non seulement la façon dont l'argent était dépensé, mais garantissait également que ceux qu'il servait disposaient de garanties juridiques de base, comme le droit de choisir leur propre représentation.

Cet accord de cinq ans a expiré lundi. Les parties étaient en pourparlers depuis mars 2023 pour le renouveler.

Vendredi dernier, Legal Aid Alberta a reçu une lettre du ministère de la Justice de l'Alberta annonçant qu'un nouvel accord de financement serait instauré. Selon cette proposition, la contribution de la province proviendrait de subventions contrôlées par le ministre de la Justice et ce, pour un an.

Ce modèle donne au ministre de la Justice Mickey Amery «un contrôle absolu et total», a déclaré l'avocat pénaliste d'Edmonton, Paul Moreau.

«Le ministre peut revoir le financement, il peut le modifier à tout moment, il peut y mettre fin à tout moment, il peut décider que le gouvernement a dépensé trop d'argent et exiger que l'aide juridique rembourse l'argent déjà dépensé.»

Un financement incertain sur un an entrave la capacité de l'agence à plaider des cas complexes sur plusieurs années, a déclaré Me Moreau.

Une indépendance menacée

Cela porte également atteinte à l'indépendance de l'organisation, en particulier dans les dossiers touchant au droit de la famille, à la protection de l'enfance et à l'immigration, a déclaré Me Moreau.

«Dans bon nombre de ces différents contextes, l'autre côté du litige est le gouvernement. Il est important que l'avocat nommé et l'organisation qui rémunère cet avocat soient indépendants du gouvernement», explique-t-il.

«Si le gouvernement devait être mécontent de quelque chose que fait l'Aide juridique, il pourrait se venger en retenant les fonds ou en exigeant le remboursement des fonds», ajoute l’avocat.

La proposition restreindrait la capacité de l'organisation à payer des experts tiers, notamment des psychologues, ou pour des services tels que des transcriptions judiciaires. Cela priverait également le Barreau de l'aide juridique.

Pas une question d'argent

Dans sa déclaration, Legal Aid Alberta a avancé que les avocats de l'aide juridique ne seraient plus disponibles après mardi, y compris les avocats de service – les avocats qui représentent ceux qui comparaissent pour la première fois devant le tribunal.

Les arriérés judiciaires sont inévitables, a prévenu Me Moreau.

«Les gens croupiront en prison, les affaires seront retardées et les tribunaux seront à nouveau encombrés», avance-t-il.

Me Moreau doute des raisons pour lesquelles le ministre Amery tient à gérer l'argent des contribuables dans cette situation. Il estime que les gouvernements sont tenus, en vertu de la Constitution, de fournir des avocats à ceux qui n'en ont pas les moyens, et que l'Alberta pourrait être obligée d'embaucher des avocats privés au lieu de recourir à l'aide juridique.

«Cela coûtera astronomiquement plus d'argent, prévoit M. Moreau. Ce n'est pas une question d'argent. C'est autre chose.»

Bob Weber, La Presse Canadienne